Les enseignements de Saint Louis à ses enfants

Saint Louis, 1214-1270

Testament de saint Louis (1214-1270) à son fils Philippe (1245-1285, qui deviendra Philippe III le Hardi).

Cher fils, je t’enseigne premièrement que tu aimes Dieu de tout ton cœur et de tout ton pouvoir, car sans cela personne ne peut rien valoir.

Tu dois te garder de toutes choses que tu penseras devoir lui déplaire et qui sont en ton pouvoir, et spécialement tu dois avoir cette volonté que tu ne fasses un péché mortel pour nulle chose qui puisse arriver, et qu’avant de faire un péché mortel avec connaissance, que tu souffrirais que l’on te coupât les jambes et les bras et que l’on t’enlevât la vie par le plus cruel martyre.

Si Notre Seigneur t’envoie persécution, maladie ou autre souffrance, tu dois la supporter débonnairement, et tu dois l’en remercier et lui savoir bon gré, car il faut comprendre qu’il l’a fait pour ton bien. De plus, tu dois penser que tu as mérité ceci (et encore plus s’il le voulait) parce que tu l’as peu aimé et peu servi, et parce que tu as fait beaucoup de choses contre sa volonté.

Si Notre Seigneur t’envoie prospérité, santé du corps ou autre chose, tu dois l’en remercier humblement, et puis prendre garde qu’à cause de cela il ne t’arrive pas de malheur causé par orgueil ou par une autre faute, car c’est un très grand péché de guerroyer Notre Seigneur de ses dons.

Cher fils, je t’enseigne que tu entendes volontiers le service de la sainte Église, et quand tu seras à l’église, garde-toi de perdre ton temps et de parler vaines paroles. Dis tes oraisons avec recueillement ou par bouche ou de pensée, et spécialement sois plus recueilli et plus attentif à l’oraison pendant que le corps de Notre Seigneur jésus Christ sera présent à la messe, et puis aussi pendant un petit moment avant.

Cher fils, je t’enseigne que tu aies le coeur compatissant envers les pauvres et envers tous ceux que tu considéreras comme souffrants ou de coeur ou de corps ; et selon ton pouvoir soulage-les volontiers ou de soutien moral ou d’aumônes.

Prends garde que tu sois si bon en toutes choses qu’il soit évident que tu reconnaisses les générosités et les honneurs que Notre Seigneur t’a faits de sorte que, s’il plaisait à Notre Seigneur que tu aies l’honneur de gouverner le royaume, tu sois digne de recevoir l’onction avec laquelle les rois de France sont sacrés.

Cher fils, s’il advient que tu deviennes roi, prends soin d’avoir les qualités qui appartiennent aux rois, c’est-à-dire que tu sois si juste que, quoi qu’il arrive, tu ne t’écartes de la justice. Et s’il advient qu’il y ait querelle entre un pauvre et un riche, soutiens de préférence le pauvre contre le riche jusqu’à ce que tu saches la vérité, et quand tu la connaîtras, fais justice.

Sois bien diligent de protéger dans tes domaines toutes sortes de gens, surtout les gens de la sainte Église ; défends qu’on ne leur fasse tort ni violence en leurs personnes ou en leurs biens.

Cher fils, je t’enseigne que tu sois toujours dévoué à l’Église de Rome et à notre saint-père le Pape, et lui portes respect et honneur comme tu le dois à ton père spirituel.

Mets grande peine à ce que les péchés soient supprimés en ta terre, c’est-à-dire les vilains serments et toute chose qui se fait ou se dit contre Dieu ou Notre-Dame ou les saints : péchés de corps, jeux de dés, tavernes ou autres péchés. Fais abattre tout ceci en ta terre sagement et en bonne manière.

Cher fils, je te donne toute la bénédiction qu’un père peut et doit donner à son fils, et je prie Notre Seigneur Dieu en Jésus-Christ que, par grande miséricorde et par les prières et par les mérites de sa bienheureuse Mère, la Vierge Marie, et des anges et des archanges, de tous les saints et de toutes les saintes, il te garde et te défende que tu ne fasses chose qui soit contre sa volonté, et qu’il te donne grâce de faire sa volonté afin qu’il soit servi et honoré par toi ; et puisse-t-il accorder à toi et à moi, par sa grande générosité, qu’après cette mortelle vie nous puissions venir à lui pour la vie éternelle afin de le voir, aimer et louer sans fin. 

Amen.

Mort de Saint Louis, anonyme français.

Enseignement de Saint Louis à sa fille Isabelle (1247-1271, qui deviendra par mariage Reine d’Aragon).

Louis, par la grâce de Dieu roi de France, à sa chère et bien-aimée fille Isabelle, reine de Navarre, salut et amitié de père.

Chère fille, comme je crois qu’à cause de l’amour que vous avez de moi, vous retenez plus volontiers de moi que vous ne feriez de plusieurs autres, j’ai pensé vous faire quelques enseignements écrits de ma main.

Chère fille, je vous enseigne que vous aimiez Notre-Seigneur de tout votre cœur et de tout votre pouvoir ; car, sans cela, nul ne peut acquérir quelque mérite ; et nulle autre chose ne peut être aimée à aussi bon droit ni si profitablement. Notre-Seigneur, c’est le Seigneur à qui toute créature peut dire :  Sire, vous êtes mon Dieu ; vous n’avez besoin de nulle de mes bonnes actions. C’est le Seigneur qui envoya son Fils sur la terre et le livra à la mort pour nous délivrer de la mort d’enfer.

Chère fille, si vous l’aimez, le profit en sera vôtre. La créature est moult dévoyée qui met l’amour de son cœur ailleurs qu’en lui ou sous lui.

Chère fille, la mesure de l’amour que nous devons avoir pour lui c’est d’aimer sans mesure. Il a bien mérité que nous l’aimions, car il nous aima le premier. Je voudrais que vous sussiez bien penser aux œuvres que le benoît Fils de Dieu a faites pour notre rédemption.

Chère fille, ayez grand désir de lui plaire le plus possible ; et mettez grand soin à éviter toutes les choses que vous croirez lui devoir déplaire ; spécialement vous devez avoir la volonté de ne faire péché mortel pour rien qui puisse advenir, et de vous laisser couper ou arracher les membres et enlever la vie par cruel martyre plutôt que de faire un péché mortel volontairement.

Chère fille, accoutumez-vous à vous confesser souvent, et choisissez toujours des confesseurs qui soient de sainte vie et suffisamment lettrés, par qui vous soyez enseignée et endoctrinée des choses que vous devez éviter et des choses que vous devez faire ; et faites que votre confesseur et vos autres amis vous osent enseigner et reprendre.

Chère fille, écoutez volontiers le service de la sainte Eglise ; et quand vous serez à l’église, gardez-vous de muser et de dire vaines paroles. Dites vos oraisons en paix, de bouche ou de pensée ; et spécialement, au moment où le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ sera présent à la messe, et même un peu à l’avance, soyez plus en paix et plus attentive à l’oraison.

Chère fille, écoutez volontiers parler de Notre-Seigneur dans les sermons et dans les causeries privées ; toutefois évitez les conversations particulières, excepté celles des personnes bien choisies en bonté et en sainteté. Appliquez-vous volontiers à gagner les indulgences.

Chère fille, si vous avez aucune tribulation de maladie ou d’autre chose, à quoi vous ne puissiez bonnement pourvoir, souffrez cela débonnairement ; remerciez-en Notre-Seigneur et sachez-lui-en bon gré ; car vous devez croire que vous l’avez mérité et plus encore s’il voulait, parce que vous l’avez peu aimé et peu servi, et que vous avez fait maintes choses contre sa volonté. Si vous avez aucune prospérité de santé ou autre, remerciez-en Notre-Seigneur humblement ; et sachez-lui-en bon gré ; et prenez bien garde d’en devenir plus mauvaise par orgueil ou par quelque autre vice ; car c’est moult grand péché de guerroyez contre Notre-Seigneur avec ses dons ; si vous avez aucun malaise de cœur ou d’autre chose, dites-le à votre confesseur ou, si c’est chose dont vous puissiez parler, à quelque autre personne que vous pensiez être loyale et bien discrète ; et ainsi vous porterez votre peine plus en paix.

Chère fille, ayez le cœur piteux envers toutes gens que vous apprendrez être dans la souffrance de cœur ou de corps, et secourez-les volontiers de conseil ou d’aumône selon ce que vous pourrez faire, en bonne manière.

Chère fille, aimez toutes bonnes gens, de religion ou du siècle, par qui vous saurez que Notre-Seigneur est honoré et servi. Aimez et secourez les pauvres, et spécialement ceux qui, pour l’amour de Notre-Seigneur, se sont mis en pauvreté.

Chère fille, faites, autant que vous le pourrez, que les femmes et les autres suivantes qui conversent avec vous plus particulièrement et plus secrètement soient de bonne vie et de sainteté. Et évitez, autant que vous le pourrez, toutes personnes de mauvaise renommée.

Chère fille, obéissez humblement à votre mari, et à votre père et à votre mère dans les choses qui sont selon Dieu. Faites-le volontiers pour l’amour que vous leur portez, et plus encore pour l’amour de Notre-Seigneur qui l’a ainsi ordonné, et agissez envers chacun d’eux ainsi qu’il est convenable.

Chère fille, appliquez-vous à être si parfaite que ceux qui entendront parler de vous et vous verront en puissent prendre bon exemple. Il me semble qu’il est bon que vous n’ayez pas trop grande abondance de robes à la fois, ni de joyaux, eu égard pourtant à l’état que vous occupez ; mais, au contraire, il me semble mieux que vous fassiez des aumônes, au moins avec le superflu, et que vous ne mettiez pas trop grand temps ni trop grande étude à vous parer et à vous orner. Et gardez-vous d’excès dans votre parure ; et soyez toujours plutôt disposée à en faire trop peu qu’à en faire trop.

Chère fille, ayez en vous un désir qui jamais ne vous quitte, celui de plaire le plus possible à Notre-Seigneur, et mettez votre cœur dans la disposition, si vous étiez certaine de n’être jamais récompensée de vos bonnes actions, ni punies de vos fautes, de n’en éviter pas moins toute action qui puisse déplaire à Notre-Seigneur, et de ne chercher pas moins à faire les choses qui lui plairaient, autant que possible, purement pour l’amour de lui.

Chère fille, recherchez volontiers les prières des bonnes gens et me réunissez à vous dans ces demandes de prières. Et s’il arrive qu’il plaise à Notre-Seigneur que je quitte cette vie avant vous, je vous prie de me procurer messes et prières, et autres bienfaits pour mon âme.

Je vous recommande que nul ne voie cet écrit sans ma permission, excepté votre frère.

Que Notre-Seigneur vous fasse bonne en toutes choses autant que je le désire, et plus encore que je ne saurais le désirer.

Amen

Statue de Saint Louis devant la Collégiale Notre-Dame de Poissy (78), lieu du baptême de saint Louis, en 1214.

Les Sacres des rois de France

Rémy de Bourbon Parme, Georges Bernage, Alexandre Loire, Ed. Heimdal, 1998.

Ce livre au tirage plutôt confidentiel, présente les sacres des rois de France. Leur histoire, les lieux, la cérémonie et toute la symbolique.

Le sacre des rois de France est plus qu’une cérémonie qui devint fastueuse au cours des siècles. Il est empreint d’une signification qui va au delà des apparences.

Du Baptême de Clovis au sacre de Charles X, les monarques français ont construit notre pays. Ce livre fait mieux connaitre non seulement le déroulement du sacre, mais surtout en explique la signification profonde pour mieux comprendre l’enracinement des générations qui se sont succédées au pouvoir.

De Saint-Denis à Saint-Remi et Reims, les rois ont suivi la route qui les menait au sacre. Sur leurs pas, on découvre ainsi les beautés et les secrets des lieux, les instruments du sacre et leur symbolique. Tout au long des siècles quelques personnages, religieux et laïcs ont marqué par leur action quatorze siècles d’histoire. Il faut savoir comment est née et s’est développée la France, car celui qui ne connait pas le passé, n’a pas doit au futur.